2015 sera-t-elle encore l’année des boat-people ?

L’Ezadeen, un cargo transportant quelque 450 Syriens, est entré vendredi 2 janvier au soir dans un port du sud de l’Italie. Spécialisé dans le transport d’animaux, construit en 1966, il devait gagner le sud de la France. C’est la troisième fois en quinze jours que les autorités italiennes récupèrent un cargo transportant des migrants, venus surtout de Syrie. Les deux autres navires, abandonnés eux aussi en pleine mer, transportaient environ 800 personnes chacun dans des conditions tout aussi abominables que celles décrites par les passagers de l’Ezadeen.

Qui entretient le trafic des mafieux ?

Les medias et responsables politiques ont fustigé les passeurs, ces « mafieux » toujours plus voraces, faisant payer près de 6 000 euros pour ces prisons flottantes vers l’Europe. Certes.

Mais les propos employés sont d’autant plus durs qu’ils ne visent qu’à disculper les véritables pourvoyeurs de mafias, ces chefs d’État européens qui ferment leurs frontières aux victimes des guerres civiles et de la misère. Ne reste plus comme recours que les passages clandestins, à la merci des mafias.

Non, la riche Europe n’est pas une terre d’accueil. Son nombre de milliardaires augmente chaque année, mais malheur aux pauvres, qu’ils soient d’ici ou d’ailleurs. Du Front national au PS en passant par l’UMP, tous ces politiciens prétendent « qu’on ne peut pas accueillir toute la misère du monde » et qu’il faut intensifier le contrôle aux frontières. Ce qui ne les empêche pas d’accueillir avec enthousiasme tous les milliardaires étrangers blindés de capitaux. Il n’y a pas de frontières pour les riches. Uniquement pour les pauvres et les opprimés.

L’agence européenne Frontex, chargée de surveiller les frontières de l’espace Schengen, a un budget d’une centaine de millions d’euros par an. Il a été multiplié par cinq depuis sa création en 2004. Autant de millions qui permettraient un accueil décent aux réfugiés, mais aujourd’hui destinés à les pourchasser. Car ce sont précisément ces institutions militaires anti-immigration auxquelles ceux qui fuient les guerres et la faim tentent d’échapper en n’ayant d’autre choix que de se livrer aux trafiquants.

Combien de réfugiés au minuscule Liban ? Combien en France ?

La Syrie, en mars 2011, a connu un début de révolution contre la dictature. Mais la répression sanglante des manifestations antigouvernementales (avec l’indifférence complice, entre autres, de l’État français) a fait dégénérer la révolte en une guerre civile qui a déplacé près de la moitié des habitants du pays, contraints de fuir leur foyer.

Résultat : 3,2 millions de réfugiés syriens dans les pays voisins de la Syrie, dont plus d’un million dans le petit Liban… mais seulement 8 000 en France, dix fois plus peuplée et plus riche. Et guère plus de 100 000 dans toute l’Europe. Et des réfugiés triés sur le volet par les gouvernements européens. Les Syriens embarqués sur les tombeaux marins comme l’Ezadeen sont surtout destinés, en France notamment, à devenir des sans-papiers, travailleurs ou pas.

Capitalistes de tous les pays, ce sont vos guerres et vos frontières meurtrières que tentent de fuir aujourd’hui ces milliers de migrants, qui bien souvent meurent dans la plus grande indifférence. Quand ils ne deviennent pas, à nos côtés, les travailleurs que vous surexploitez. À nous de nous solidariser de nos frères opprimés par-delà ces frontières meurtrières.

Messieurs les capitalistes, on vous souhaite une année de révoltes et de révolutions faisant éclater vos frontières, pour qu’enfin s’unissent les opprimés de tous les pays.

 

Éditorial des bulletins d’entreprise du 5 janvier 2015

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