Le tribunal judiciaire du Havre, saisi par le syndicat CGT de Renault Sandouville, vient d’imposer sous astreinte l’arrêt de la reprise d’activité sur le site Renault de Sandouville. La justice a en effet estimé que cette reprise d’activité ne « permet pas d’assurer la sécurité des travailleurs de l’usine face au risque lié au Covid-19 ».
Le juge des référés a aussi relevé de nombreuses fautes en ce qui concerne la consultation des représentants du personnel, notamment en ne leur donnant pas suffisamment d’informations précises pour qu’ils puissent se faire un avis sur le redémarrage de l’usine dans un contexte marqué par le Covid-19.
Plusieurs médias s’en sont pris aussitôt à la CGT. “À Sandouville, la CGT tue dans l’œuf la reprise d’activité chez Renault”, lit-on dans Le Figaro. “Covid-19 : la CGT parvient à faire fermer l’usine Renault de Sandouville”, titre Le Point. “La CGT ou la stratégie du chaos”, dénonce encore L’Express…
Vous avez dit “sécurité” et “dialogue social” ?
Laurent Berger a également condamné samedi le recours en justice de la CGT, la jugeant “irresponsable” et estimant que le dialogue social s’y tenait de manière “assez exemplaire”. Le dirigeant de la CFDT a même rejeté la responsabilité du renvoi de 700 intérimaires sur la CGT. “C’est pas un service rendu aux travailleurs”, a-t-il déploré.
Il y a quelques semaines pourtant, la CFDT dénonçait chez Renault une “absence d’écoute”. “Force est de constater que de trop nombreux acteurs responsables de l’entreprise ne jouent pas le jeu. Il y a”, déplorait la CFDT Renault dans un communiqué de presse daté du 17 avril 2020, « pour les sites industriels une réelle volonté de vouloir accélérer la reprise en court-circuitant les différentes étapes de concertation. Une situation sociale qui ne pourra perdurer sans avoir un impact négatif durable sur le groupe ».
C’est peu dire. A Sandouville, les élus du CSE avaient dû signaler un Danger Grave et Imminent le 16 mars pour faire fermer l’usine, que la direction voulait continuer à faire tourner malgré le début du confinement.
Jeudi 23 avril, alors que la direction de Renault Sandouville consultait les représentants du personnel sur son plan organisationnel de reprise, seule ceux de la CFE-CGC ont alors voté pour. Les élus FO et CFDT du CSE se sont abstenus.
Rappelons enfin que ce n’est pas la CGT qui a fait fermer l’usine, mais le tribunal des référés, peu connu pour une quelconque sympathie syndicale.
Cette campagne de calomnies contre la CGT vise en fait à faire taire tous les syndicats et les travailleurs combatifs. Face à ces attaques, parfois haineuses, contre un syndicat qui ne cède pas aux sirènes du redémarrage économique à tout prix et à ce relent d’union sacrée, il est nécessaire que tous les militants et les travailleurs conscients expriment leur soutien à la CGT Renault Sandouville.
Ce que dit la justice
Sur le fond, l’ordonnance concernant le site Renault de Sandouville réaffirme que le projet de redémarrage de l’activité sur le site constitue un projet important nécessitant une consultation du CSE et non une simple information, que les représentants du personnel doivent avoir communication de l’ensemble des éléments nécessaires. Ce qui n’a pas été le cas en l’espèce, raison pour laquelle le juge des référés a annulé la réunion du CSE et suspendu le projet de reprise d’activité.
La justice a relevé des insuffisances dans la prise en compte des risques biologiques et psychosociaux, ou encore sur les conditions de restauration. Le juge des référés impose aussi la consultation préalable du CSE sur les équipements de protection individuelle et la formation des salariés.
Par ailleurs, l’ordonnance impose de modifier tous les plans de prévention des sous-traitants intervenant sur le site afin d’y intégrer le risque lié au Covid-19.
Cette décision doit constituer un point d’appui important pour toutes les équipes syndicales et les salariés des entreprises où l’activité reprend sans prendre toutes les mesures de prévention nécessaire, ni consulter correctement les représentants du personnel.
Elle démontre une nouvelle fois l’utilité de saisir directement les juges des référés dans une période où l’inspection du travail reste muselée par Mme Pénicaud, la ministre du travail, et où le protocole national de déconfinement du Ministère du travail est complètement muet sur les obligations de l’employeur de consulter les représentants du personnel.
Cette décision va bien plus loin que l’ordonnance concernant Amazon qui se limitait à la question de la mise à jour de l’évaluation des risques en y associant les représentants du personnel.
Pourtant suite à la fermeture d’Amazon, personne n’avait crié haro contre le syndicat SUD Commerce à l’origine de la plainte en justice. C’est vrai qu’Amazon n’est pas une entreprise française dont l’état français détient 15% du capital…