Face au projet de loi dite de Sécurité globale, ce ne sont pas moins de 70 manifestations qui ont eu lieu le week-end dernier, rassemblant cent trente mille personnes dans les rues selon la police, probablement bien plus. Un raz-de-marée à Paris, et partout des foules compactes. Des pancartes faites maison : « Pas vu pas pris », « floutage de gueule », « on vous voit » ou « la police écrit la loi », « En Marche vers l’Etat policier »…
On en a déjà trop vu
Trop, c’était trop. D’abord ce projet de loi osant proposer dans son article 24 que les journalistes ou toute autre personne ne puissent plus filmer et montrer les violences policières. Sous prétexte que ce serait malveillant. Et voilà qu’arrivent les images de policiers tabassant de jeunes migrants réfugiés et sans papiers et leur volant leurs tentes place de la République à Paris.
Quelques jours plus tard, celles provenant de la vidéosurveillance du studio d’enregistrement de Michel Zecler, producteur de musique – noir – qui se fait longuement passer à tabac. Quinze minutes de coups et d’insultes racistes. Puis on voit le studio pris d’assaut à coups de grenade lacrymogène, grâce à des voisins éberlués par ce déchaînement de violence qui ont filmé la scène. Face aux mensonges éhontés des policiers sur le déroulement des événements, heureusement qu’il y avait des images.
Des cowboys jusqu’aux ministères
Tout ce que Macron a su bredouiller, pour répondre à l’indignation générale, c’est que ces images « nous font honte ». C’est pour ça que son gouvernement veut les interdire ? Car ce sont les images qui cristallisent la révolte, comme aux États-Unis avec la vidéo insoutenable de la mort de George Floyd.
Quant au ministre de l’Intérieur, Darmanin, il parle de révoquer les policiers mis en cause, ils seraient déférés devant la justice. Mais c’est pourtant lui qui est à la tête de la chaîne de commandement et continue à défendre son projet de loi qui leur assure l’impunité. Fin juillet, il osait affirmer : « Quand j’entends le mot violences policières, je m’étouffe » ! C’est pourtant Cédric Chouviat qui est mort étouffé par les flics en janvier dernier, lors d’un contrôle routier. Sa faute ? Avoir justement voulu filmer son contrôle.
Car ces violences policières n’ont aucun caractère d’exception ou de bavures. Elles sont habituelles. On les connaît dans les quartiers populaires, comme le rappelle l’affaire Théo qui va être jugée prochainement. On les a vécues lors des luttes de ces dernières années contre la loi Travail sous Hollande et Valls, contre les prétendues réformes ferroviaires en 2018, contre les Gilets jaunes au cours de l’année 2018, il y a moins d’un an encore contre la réforme des retraites, à l’hiver dernier.
Recul des libertés et insécurité sociale globale
De nombreux journalistes étaient dans la rue ce samedi 28 novembre, mais aussi des jeunes et des primo-manifestants de tous les âges qui commencent à avoir peur de la police et s’inquiètent, à juste titre, du recul des droits démocratiques.
Cela fait des années que les mobilisations s’enchaînent et que le gouvernement y répond par une répression accrue, dont les moyens se perfectionnent : LBD, grenades lacrymogènes, violences policières auxquelles s’ajoutent lois, décrets ou règlements destinés à dissuader d’aller manifester. Autant d’atteintes à une liberté d’expression déjà bien entamée.
Face à la crise sanitaire actuelle, sa gestion catastrophique, le manque de moyens dans les hôpitaux, les salaires amputés, les précaires licenciés, la situation sociale va continuer à se tendre. Des suppressions d’emplois massives sont annoncées tous les jours, signe d’une terrible montée du chômage et de la misère. Mais à force de serrer la vis pour éviter l’explosion sociale, la bourgeoisie pourrait la provoquer.
On ira jusqu’au retrait, scandaient ce week-end les manifestants. Retrait de l’article 24, de la loi Sécurité Globale, retrait du ministre de l’Intérieur… Et pourquoi pas, retrait de toute cette politique qui consiste à faire payer la crise aux plus pauvres.