Vent mauvais sur la démocratie

En grande pompe mais à l’abri des caméras, le dictateur égyptien Abdel Fattah al-Sissi a été reçu les 7 et 8 décembre à Paris par le gouvernement, les présidents de l’Assemblée Nationale et du Sénat, et même la maire de Paris. Emmanuel Macron en a profité pour décerner au Maréchal al-Sissi, venu au pouvoir par un coup d’État puis élu avec 97 % des voix, la grand-croix de la légion d’honneur. Les journalistes qui auraient pu poser des questions dérangeantes sur les tortures et les condamnations à mort de ses opposants, ont été tenus à l’écart.

Cette visite d’État visait à renforcer la coopération franco-égyptienne face aux crises du Moyen-Orient. Macron préfère al-Sissi à Erdogan. Au nom de la démocratie bien-sûr… et des affaires : 24 avions de chasse Rafale, cela fait 5,2 milliards de bonnes raisons de laisser de côté les 60 000 prisonniers d’opinion en Égypte.

La France vend aussi à l’Égypte des navires de guerre, quantités de missiles ou de véhicules blindés, ainsi que des technologies de surveillance et de contrôle des foules utilisés par l’armée et la police du dictateur. C’était donc la fête dans les salons de l’Élysée, tandis qu’à deux pas l’écho des charges de police résonnaient encore dans les rues de Paris. Tapis rouge pour les dictateurs. Gaz lacrymogènes et gardes-à-vue pour les contestataires, alors que les inégalités s’accroissent.

La Bourse va bien, merci

Le budget de l’armée a augmenté de 4,5 % cette année. Mais pour l’Éducation, ce sont des classes et des établissements surchargés, pour l’hôpital public un régime de sous-effectif, de pénurie organisée et des fermetures de lits, même en réanimation. Et il faut encore ajouter, comme l’a révélé encore cette semaine une commission d’enquête du Sénat, l’incompétence du gouvernement sur sa gestion des masques et son impréparation face au Covid-19.

Le journal Les Échos titrait le 1er décembre sur les profits record de la Bourse de Paris et le 9 décembre, sur ceux de Wall Street. D’un côté, l’argent coule à flot pour les grands patrons qui vivent à crédit avec 460 milliards d’aides. De l’autre, 6 millions de chômeurs, 10 millions de pauvres. Et des libertés individuelles et collectives qui se réduisent.

Le gouvernement donne des gages à la police et à ceux qui réclament davantage d’ordre. Il peaufine des lois pour rendre invisibles les violences policières, utilise la violence aveugle des black-blocs pour empêcher que se manifestent des oppositions politiques en dehors d’un Parlement complaisant.

Tournant autoritaire

Macron, comme Hollande avant lui, a commencé en s’attaquant aux droits syndicaux et au Code du travail. Il poursuit avec le fichage des opposants, qui ne se fera plus sur des activités supposées mais sur des opinions. Les drones équipés de systèmes de reconnaissance faciale seront le nouveau visage de la démocratie électronique de Macron.

En espérant en rendre l’acceptation plus facile, on attise la haine et les préjugés contre les musulmans amalgamés à des terroristes. La loi Sécurité globale et celle « confortant le respect des principes de la République » peuvent se résumer à une surveillance accrue et à une répression plus dure.

Le pouvoir sécuritaire se sent assez sûr au point que le préfet de Paris n’hésite pas à apporter un soutien officiel aux policiers impliqués dans le tabassage du producteur de musique Michel Zecler. Au point aussi d’intimider les organisateurs officiels des manifestations contre ces lois liberticides en interdisant rassemblements et défilés, en multipliant les arrestations préventives, jusqu’à des gardes à vue de jeunes de 17 ans dont le seul tort est de manifester.

Pas de démocratie sans emploi

Cela n’a pas empêché, même en cette veille de vacances de fin d’année et malgré toutes ces mesures d’intimidation, que des milliers de personnes expriment le rejet de ce tour de vis autoritaire. Dans tout le pays, des manifestations ont eu lieu, le plus souvent avec calme, détermination, et sans violences. Cette énergie sera nécessaire et devra s’étendre pour mettre aussi un coup d’arrêt à la vague de licenciements et de suppressions d‘emplois qui ne cesse de déferler. La démocratie et l’emploi sont deux combats qui vont de pair.

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