Amiante : Renault devra indemniser une veuve

La veuve d’un salarié décédé en 2010 d’un cancer bronchopulmonaire recevra 90 000 € de dommages et intérêts.

 

Paris (XVe), le 16 octobre. André Lancteau, ancien du site de Rueil et membre actif d’une association de victimes de l’amiante, et Christine Cavé, qui a perdu son mari voilà quatre ans.

Paris (XVe), le 16 octobre. André Lancteau, ancien du site de Rueil et membre actif d’une association de victimes de l’amiante, et Christine Cavé, qui a perdu son mari voilà quatre ans.

La condamnation de Renault, l’ancien employeur de son défunt époux, pour « faute inexcusable », ne lui a pas redonné le sourire. Christine Cavé apprécie cependant que la justice ait fini par lui donner raison, après trois ans de combat.

Cette habitante de Saint-Cloud a reçu le jugement du tribunal des affaires sociales de Nanterre le 24 septembre. Le constructeur automobile, qui a jusqu’à vendredi pour le contester, fait savoir qu’il a « pris note de la décision et ne fera pas appel ». Les juges ont alloué 90 000 € de dommages et intérêts à la veuve d’Eric Cavé, électrotechnicien de maintenance pendant vingt-neuf ans sur le centre de Rueil-Malmaison, décédé le 3 août 2010 des suites d’un cancer bronchopulmonaire. « Eric avait 53 ans, murmure Christine Cavé. Il était grand, costaud, jamais malade. Il a essayé de travailler jusqu’au bout. »

La Caisse primaire d’assurance maladie avancera les 90 000 € à Christine Cavé et les récupérera auprès de Renault. La Sécurité sociale a reconnu dès 2011 le caractère professionnel de la maladie qui a emporté le mari de Christine. Trois ans plus tard, la justice a confirmé que la disparition d’Eric relève d’une exposition prolongée à l’amiante. « Dans le secteur B, nous avions pour mission de tester les moteurs, explique André Lancteau, un retraité du site. Lors des essais, nous changions l’embrayage, les joints de collecteurs d’admission et de culasse. Des pièces contenant toutes de l’amiante. »

L’Etat ayant interdit l’usage de ce produit résistant au feu et à la chaleur en 1997, Renault a alors dû utiliser de nouvelles pièces pour faire fonctionner ses mécaniques. « Nous avons mis en place des mesures dans le cadre de la loi, justifie-t-on chez Renault. Les personnes affectées aux bancs d’essais portent depuis un casque, des lunettes et un masque. » Dans le cas d’Eric Cavé, les juges ont toutefois estimé que Renault n’avait pas pris suffisamment de précautions pour préserver sa santé. Eric Cavé et ses collègues ont continué à travailler jusqu’en 2004 dans le bâtiment B4, fermé après la découverte de bribes d’amiante dans l’air.

Aujourd’hui encore, Christine avoue nourrir du ressentiment à l’égard des dirigeants de la marque au losange. « Quand Eric se rendait à la visite médicale, je m’étonnais qu’on ne lui fasse pas de radio. Il travaillait quand même dans un site industriel ! » « On ne nous a jamais dit de nous protéger », déplore André Lancteau, membre actif du Collectif de défense des victimes de l’amiante Renault Ile-de-France (lire l’encadré). Là encore, Renault a pris soin de s’aligner sur la législation en vigueur : « Les salariés les plus exposés ont des contrôles tous les deux ans. » Plusieurs générations de travailleurs ayant vécu au contact de la substance cancérigène, les cas risquent hélas de se multiplier dans les années à venir.

 

Un collectif d’anciens salariés sonne l’alarme

Dès 2004, André Lancteau, du Collectif de défense des victimes de l’amiante Renault Ile-de-France, a alerté sa direction, inquiet de la présence d’amiante dans l’environnement de travail des salariés basés au centre technique de Rueil-Malmaison. « Nous avions déjà vu plusieurs collègues mourir de cancers », explique le sexagénaire. Depuis, d’autres techniciens ont aussi perdu la vie, frappés par des pathologies cancéreuses.

A la retraite depuis onze ans, André Lancteau continue son combat au sein du Collectif de défense des victimes de l’amiante Renault Ile-de-France. Il a recensé une dizaine de morts pour le seul site de Rueil-Malmaison. « A Billancourt, cela concerne encore beaucoup plus de monde », estime-t-il. André Lancteau entend aussi alerter celles et ceux qui ont pu se trouver au contact de l’amiante chez Renault. « Ils doivent être prévenus du danger encouru et passer un scanner », insiste-t-il. Ces examens, il aimerait que Renault les prenne à sa charge. « C’est bien le minimum que la direction de l’entreprise puisse faire. »

 

Le Parisien du 21/10/2014

 

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