Pauvres patrons ! Qui pourrait imaginer leurs soucis, leurs angoisses, leurs cauchemars ? Heureusement, Hollande est là, à leur chevet, pour leur tenir la main. Il compatit… Et voici le projet de loi de sa ministre du travail, El Khomri : une refonte du Code du travail rêvée par la droite et le Medef, dernière salve de l’artillerie lourde que le grand patronat dirige contre les travailleurs.
Hollande au chevet de nos malades imaginaires…
« Je souffre », je « manque de liberté », se plaint le patronat. Hollande se précipite. Gattaz, patron du Medef, pleurniche : le Code du travail, les conventions collectives… ça lui fait mal ! « C’est l’accord d’entreprise » qui doit prévaloir, selon lui. Alors Hollande projette de faire passer les accords d’entreprise avant les accords de branche, histoire de diviser les salariés. Chaque patron pourra faire sa politique dans sa boîte sans se soucier de la loi ni des conventions collectives.
Il nous faut totale liberté de licencier, revendiquent les patrons. Comme Air France, en somme, qui vient d’annoncer de nouvelles suppressions de postes quand le groupe fait des profits record. Et la liberté des licenciés ? Hollande n’y songe pas. Avec le projet de loi El Khomri, les licencieurs n’auront même plus à prétexter des difficultés économiques pour nous mettre sur la paille.
Raisonnement suprême : il faut faciliter les licenciements… pour lutter contre le chômage ! Comme si l’envolée des plans de licenciements ces dernières années (baptisés « plans sociaux ») avait créé des emplois.
… pour mieux saigner les salariés
Ce n’est pas tout. Gattaz demande de « plafonner les indemnités de Prud’hommes », pour que les licenciements individuels aussi ne coûtent rien aux patrons. Et la Cour des comptes préconise quant à elle de réduire les indemnités de chômage et leur durée. C’est l’objectif des négociations de l’Unedic qui viennent de s’ouvrir. Les chômeurs de longue durée pourront se rabattre sur le RSA et les Restos du cœur.
Plus les patrons licencient… plus ça entraîne le déficit de l’Unedic… que l’on comble en faisant payer les chômeurs. La boucle est bouclée.
Mais quitte à être totalement libres et décomplexés, les patrons en veulent plus. Ils réclament d’en finir légalement avec les 35 heures – qu’ils ont déjà enterrées dans les faits dans bien des entreprises. Alors Hollande envisage la possibilité de journées de 12 heures, de semaines de 48 heures… Mais pas plus de seize semaines d’affilée à 46 heures par semaine, précise-t-il tout de même. Merci !
Quant aux salaires, les patrons pourront les baisser au nom de la sacro-sainte compétitivité… grâce à des « referendums en entreprise » : autant dire demander à chaque salarié dans un isoloir à quelle sauce il veut être mangé, chantage au licenciement collectif à l’appui en cas de refus.
À quand leur gueule de bois ?
Voilà un gouvernement comme le grand patronat les aime. Mais, de leur côté, si les confédérations syndicales s’indignent, plus ou moins, c’est surtout pour pleurer après le « dialogue social », dont elles craignent de se voir privées. Ce prétendu dialogue social qui n’a jamais servi qu’à faire entériner par les syndicats les exigences patronales et amène déjà certains dirigeants syndicaux à proposer seulement de « rectifier » le projet de loi… pour mieux nous le faire avaler ?
Et du côté des salariés, des flexibilisés, des précarisés, des licenciés ? Ce n’est pas le moment de se plaindre, mais plutôt de préparer des lendemains qui déchantent pour le patronat. Ils mènent leur lutte de classe contre la nôtre ? Nous n’avons pas, comme eux, le gouvernement à notre botte. Mais nous avons notre nombre, nos années de colère accumulée, tous secteurs confondus. Et ils ne seraient rien sans nous.
Qu’ils sablent le champagne dans leurs conseils d’administration, qu’ils trinquent à la mort programmée du Code du travail. À nous de leur préparer une sacrée gueule de bois.
Éditorial des bulletins d’entreprise du 22 février 2016