Dans un froid glacial et taraudés par la faim, plus de 40 000 civils d’Alep-Est, pris au piège, attendaient encore ce week-end la reprise des évacuations, suspendues vendredi dernier par Bachar-el-Assad. Submergés par la puissance de feu de leurs adversaires, brisés par cinq ans de guerre ininterrompue, les quartiers d’Alep sont tombés un à un. Missiles, barils bourrés de TNT et de ferrailles, hôpitaux rayés de la carte par l’aviation russe : des milliers de personnes ont péri dans un déluge de feu quotidien.
Poissé de sang et de poussière, cela fait cinq ans que le massacre d’un peuple s’étale au grand jour, sur tous les réseaux télévisés, sur internet. Il n’y a que les ruines pour dérober à nos yeux les cadavres, tout comme la comédie des puissants qui tentent de dissimuler leur responsabilité dans ce massacre. Quitte pour cela à jouer les pseudo-humanitaires, France en tête, en se congratulant de faire voter une résolution à l’ONU visant à envoyer sur place… de simples « observateurs » !
Plutôt une hécatombe, que perdre la main
Carrefour stratégique d’une région bondée de pétrole, la Syrie garantit aux grandes puissances la main mise sur la région, mais à condition qu’un régime de fer joue le rôle de flic contre son peuple et dans les alentours. Tâche dont s’est chargé le règne d’Assad – père et fils, aussi sanguinaires l’un que l’autre – ce qui aura permis au fils d’être invité d’honneur à l’Elysée en 2008, 2009 et 2010.
La politique des dirigeants impérialistes dans ce conflit, loin des prétentions humanitaires, a été de maintenir une sorte de statu quo, en se démarquant d’Assad sans véritablement l’entraver, en appuyant quelques groupes de l’opposition de leur choix pour préparer un éventuel changement de dirigeants. Pour que surtout rien ne change… Les grandes puissances veulent juste un gendarme qui maintienne l’ordre social, peu importe qui, peu importe comment.
L’hypocrisie pour programme
Notre bon gouvernement socialiste, et son grand frère Obama, qui s’indignent aujourd’hui, sont responsables du massacre d’un peuple qui dure depuis cinq ans. Peuple auquel ils ont choisi de ne proposer qu’une alternative : le cimetière de la Méditerranée pour les réfugiés ou les ruines d’Alep pour les rescapés les plus démunis.
Une hypocrisie sans nom quand on voit que l’armée française participe à la bataille de Mossoul, en Irak, au même moment. Une bataille qui prétend vaincre l’Etat islamique, mais qui n’engendre pas moins d’atrocités pour les civils qu’à Alep. Sans parler des bombardements de civils au Yémen, auxquels la France participe « très discrètement » comme le révélait un haut gradé de l’armée française en mai dernier au journal Le Figaro.
Sous prétexte de combattre le terrorisme ? Lors des printemps arabes de 2011, les dirigeants occidentaux ont armé, par l’entremise de leurs alliés régionaux, des milices islamistes qui espéraient se tailler un fief en Syrie. S’appuyer sur eux, c’était aussi à leurs yeux une protection contre les soulèvements populaires en Syrie et dans la région.
La politique de la terre brûlée
L’horreur d’aujourd’hui est l’aboutissement d’une politique meurtrière des grandes puissances, que ce soit directement par leurs interventions militaires, ou par leur soutien à des dictateurs alliés. Elles se sont bien gardées, en 2011, lors de la vague révolutionnaire contre les régimes despotes, de venir en aide aux insurgés, pourtant en butte à un régime usant d’armes lourdes et de troupes de chocs pour assassiner, enlever, emprisonner. Leur souci a toujours été d’étouffer la contestation populaire.
Leur indignation de circonstance, aujourd’hui, est une insulte. Si, ici même, notre émotion et le sentiment d’impuissance sont grands, ce n’est pas aux côtés de ceux qui ont armé et aidé les massacreurs que nous voulons exprimer notre indignation, mais contre eux.