Algérie : première victoire d’une révolte sociale

Bouteflika, le Président algérien, vient d’annoncer qu’il renonçait à se représenter aux élections. C’est le résultat des manifestations qui ne cessaient de croitre contre lui et son régime, s’étendant à des appels à la grève. Les manifestants refusaient le cinquième mandat d’un président grabataire, prête-nom d’un appareil d’État corrompu tenu en laisse par une armée omniprésente.

Les défilés, composés en grande partie de femmes, ont été énormes. Avec des slogans d’une inventivité qui allait bien au-delà de la personne de Bouteflika. Une jeune femme affichait : « Le clan Boutef n’aura même pas notre soutien-gorge », tandis qu’une autre pancarte ironisait : « Ce camembert Président pue moins que votre système ». En France aussi, les Algériens se sont mobilisés de Marseille à Paris, où 10 000 personnes se sont retrouvées place de la République : « Mettez le FLN au musée », a-t-on pu entendre.

Les travailleurs de la Société nationale des véhicules industriels (SNVI) sise dans la zone industrielle de Rouiba à l’Est d’Alger, sont entrés en grève, ce jeudi 28 mars 2019, en soutien pour le mouvement populaire. Ils ont également appelé au départ du système et du SG de l’UGTA Abdelmadjid Sidi Saïd.

Accueilli par la grève

Pendant que Bouteflika – en tout cas son avion – rentrait dimanche dans un pays en ébullition, étudiants et lycéens sont à nouveau sortis par dizaines de milliers dans les rues et ont mis en échec la tentative du pouvoir de les écarter en avançant et en prolongeant leurs vacances.
Un appel à la grève générale de cinq jours a été lancé sur les réseaux sociaux et, dimanche, à Alger, Constan¬tine, Annaba ou Bejaia, elle paralysait de nombreux secteurs : transports, administra¬tions, commerces, établissements scolaires… Des grandes entreprises, comme le géant des hydrocarbures Sonatrach, étaient touchées par la grève.

Les rats quittent le navire

Le clan présidentiel s’est petit à petit fissuré. Plusieurs responsables du Forum des chefs d’entreprise ont fait défection. D’anciens barbouzes dirigés par un ex-ministre de l’Intérieur de Bouteflika aussi. De même qu’une partie de la direction de l’UGTA, le syndicat inféodé au régime. La contestation a même gagné le FLN, au pouvoir depuis l’indépendance en 1962, dont sept députés ont quitté le parti et rejoint la contestation.
Ceux-là ont pris leurs distances tant qu’il était encore temps… pour préserver l’essentiel : la domination d’une bourgeoisie affairiste et d’un appareil d’État corrompu resté lié à l’impérialisme, en particulier français.

Le départ de Bouteflika est donc apparu, aux yeux d’une partie des couches dirigeantes, comme une nécessité. Mais cela suffi¬ra-t-il à faire taire la contestation ? Comme l’a dit un manifestant à Bor-deaux : « Le cinquième mandat de Bouteflika, c’est juste la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Les gens sont sortis à cause d’années de marasme social, d’austérité ; et ils sont en train de briser la peur. »
L’armée a, pour l’instant, préféré lâcher Bouteflika plutôt que réprimer. Mais le pouvoir et ses appendices avaient agité ces dernières semaines l’épouvantail d’un retour à la guerre civile, référence aux tueries qui avaient ré¬pondu à la révolte d’octobre 1988 et aux dix an¬nées de guerre contre les groupes isla¬mistes qui avaient suivi : 150 000 morts ! L’ampleur de la mobilisation a seulement suspendu le risque de répression. Le choix de lâcher Bouteflika montre une certaine fébrilité de la part des couches dirigeantes qui tentent, de cette manière, de reprendre la main et, surtout, de vider les rues de la contestation.

Un encouragement à lutter

Avec l’armée en embuscade, des politiciens déjà sur les starting-blocks pour dévier la contestation sociale sur un terrain électoral, les écueils ne manquent donc pas sur le chemin de la révolte populaire. Le simple recours à la grève générale avait provoqué la colère des associations de commerçants ou petits patrons qui craignent que tout cela aille plus loin, bien trop loin pour eux !
Mais la jeunesse algérienne n’est pas forcément dupe de la situation actuelle : contre Bouteflika, « tout le monde était beau, tout le monde était gentil », mais c’est maintenant que les différences vont apparaître. Et rien ne dit que les jeunes, et, avec eux, les couches populaires, se laisseront endormir.

Cette première victoire du mouvement populaire en Algérie est un espoir et un encouragement pour tous les travailleurs et les jeunes qui, dans le monde comme en France, n’en peuvent plus de la misère, de l’injustice et de l’arbitraire.

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