« Et de deux ! » se félicite le journal patronal Les Echos, alors que le gouvernement français vient d’enregistrer la deuxième commande de Rafale depuis le début de l’année. Tapis rouge sur les marches de l’Elysée, bateau-mouche sur la Seine pour le premier ministre indien Narendra Modi, ce client hors pair, venu annoncer l’achat de 36 avions de combat au marchand d’armes français Dassault. Deux mois plus tôt, c’était l’Égypte qui s’offrait 24 de ces joujoux mortels. Une Egypte qui n’a pas le sou, mais peu importe, on a vendu à crédit et les banques toucheront les intérêts, avec garantie de l’Etat français. A en croire nos gouvernants, le Rafale serait devenu l’avenir de la France et de nos emplois.
t Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères, se félicite du succès de sa « diplomatie économique ». Cela fait mieux que de s’avouer représentant de commerce de Dassault. Et s’il a dû en rabattre par rapport au nombre de 126 avions dont il négociait depuis trois ans la vente, il aurait obtenu en consolation que les 36 Rafales presque achetés soient livrés « prêts à voler », c’est-à-dire entièrement produits en France. Cocorico !
Des emplois en rafale ?
Et on nous explique que cette commande va « sauver » 7 000 emplois, répartis entre Dassault Aviation, Thales, Safran et pas moins de 500 sous-traitants. Le président de la région Aquitaine, où sont des usines Dassault, promet « des investissements industriels et des embauches de qualité ». Déjà, au lendemain de la signature du contrat avec l’Égypte, Le Figaro, journal que possède l’avionneur Dassault et d’ordinaire peu préoccupé du sort des travailleurs, parlait de « bouffée d’oxygène à de nombreux bassins d’emploi ».
Que cela « sauve » des emplois, ça reste à voir. Les emplois liés au Rafale ne représentent qu’une infime partie des 170 000 salariés de l’aéronautique française, bien davantage civile. Et cela ne fera pas oublier tout le reste : on ferme des lits dans les hôpitaux, on y réduit le personnel, on manque d’enseignants, on licencie à Radio-France, on supprime plus de 2 000 emplois chez le transporteur routier Mory-Global, 125 de plus chez l’équipementier automobile Faurecia… Le Medef trouve que ça ne va pas assez vite et revendique un nouvel assouplissement de la loi pour faciliter les licenciements. Reçu 5 sur 5 par le ministre de l’économie qui serait déjà en train de préparer sa loi Macron 2. Et la vente des engins de mort nous sauverait la vie ? Qui va croire à cette fable ?
La mort est leur métier
Car c’est bien le plus dramatique dans cette affaire : qu’on veuille nous faire croire que l’armement et ses dizaines de milliers d’emplois, serait une solution pour sortir de la crise. La France est le 4ème exportateur d’armes dans le monde, avec un record de ventes en 2014 de 8 milliards d’euros. Mais le pays détient un autre record : celui de 3,5 millions de chômeurs, sans compter ceux qui ne trouvent que des emplois à temps partiel.
Mieux vaut donc ne pas parier sur cette industrie. Les courses à l’armement pour sortir des crises économiques ne sont jamais de bon augure pour les travailleurs. Surtout quand les guerres deviennent l’argument de vente décisif, comme vient de le rappeler Eric Trappier, PDG de Dassault Aviation, disant que ses clients potentiels sont « très intéressés par le seul fait que le Rafale est opérationnel sur un certain nombre de théâtres d’opération ». Les interventions militaires françaises, de la Libye à l’Irak, en passant par la Centrafrique et le Mali, c’est ça leur gadget promotionnel ?
Pour les travailleurs, il y aurait bien d’autres choses à produire que ces instruments de mort. Et un pays de 1,2 milliard d’habitants comme l’Inde, dont près d’un tiers de la population, soit 363 millions de personnes, vit avec moins de 57 centimes d’euros par jour, a d’autres besoins que nous pourrions satisfaire. Sans compter les besoins des classes populaires ici même.
Le capitalisme sème la guerre et la misère au service d’une caste d’exploiteurs. S’il est une guerre que les travailleurs doivent mener, c’est celle contre ce système et ceux qui en profitent.
Éditorial des bulletins d’entreprise du 13 avril 2015