Démagogie sécuritaire

Encore un assassinat abject d’une policière au commissariat de Rambouillet vendredi 23 avril, commis par un islamiste radical. Les dirigeants politiques macronistes, de droite ou d’extrême droite ont aussitôt saisi l’occasion de faire vibrer la corde sécuritaire. Une carte facile à jouer, tant l’aspiration à vivre en toute tranquillité et le rejet d’une barbarie réactionnaire sont légitimes. Mais une carte démagogique à plus d’un titre.

Le drame de Rambouillet s’ajoute à celui de Viry-Châtillon (l’attaque d’une voiture de police avec un engin incendiaire qui a grièvement blessé deux policiers il y a quatre ans) où un jugement en appel a innocenté une partie des accusés et diminué les peines d’autres. D’où des manifestations de policiers et de leurs femmes, relayées par l’extrême droite, accusant les juges de laisser la police sans défense face à ses agresseurs. Bien peu de médias ont indiqué que les jeunes innocentés ont fait quatre ans de détention provisoire pour rien. Mediapart le révélait : les enquêteurs se sont ingéniés à fabriquer des coupables, faute de trouver les vrais.

Mais qu’à cela ne tienne. À nouveau, le ministre de l’Intérieur Darmanin a montré du doigt le prétendu séparatisme musulman et le prétendu danger que représenteraient les migrants. Mensonges et intox s’étalent dans les médias, et occultent les ratés cinglants du pouvoir dans la lutte contre la pandémie et ses centaines de victimes quotidiennes. Darmanin promet de nouvelles lois. On n’en est pas à la première. L’empressement à en faire voter une nouvelle à chaque fait divers est pourtant l’aveu que la précédente n’a pas servi à grand-chose, pas même à empêcher les assassinats de policiers.

Le calcul est que ça peut rapporter des voix aux élections. À Marine Le Pen surtout, celle qui tient la corde dans le virage à droite de toute la classe politique. Et on nous rebat aujourd’hui les oreilles de ce futur duel présidentiel entre Macron et Le Pen, dont il faudrait se protéger en votant pour une gauche tout aussi démagogue en matière de sécurité.

Le pouvoir empile donc les lois répressives. La justice a condamné en 2019 près d’un millier de Gilets jaunes. De nombreux travailleurs et syndicalistes combatifs sont aussi victimes de répression. Le renforcement de l’arsenal sécuritaire ne peut pas manquer de se retourner contre nos libertés. Rendre l’immigration responsable de tous nos maux permet de canaliser le mécontentement vers une supposée menace venant de l’étranger. C’est pourtant à notre système économique et financier, dirigé au profit d’une minorité de privilégié, qu’il faudrait s’attaquer. Un ennemi bien de chez nous.

La Françafrique perd un ami

Emmanuel Macron a déploré pour la France la perte « d’un ami courageux » à l’annonce de la mort du maréchal Idriss Déby, président du Tchad depuis que les services secrets français l’avaient aidé à prendre le pouvoir en 1990. Se précipitant à N’Djamena pour les funérailles, le président français y est allé de sa petite pelletée pour enfouir le maréchal, en adoubant son successeur, le général Mahamat Déby, qui a pris la tête d’un Comité militaire transitoire, et qui n’est autre que le fils d’Idriss Déby. L’affaire est bouclée. La France, qui perd son gendarme dans la région, a trouvé un nouvel homme de main. De père en fils.

La France a en effet fait du Tchad la clé de voûte de son intervention militaire au Sahel, au nom de la lutte contre le terrorisme. Peu importent la perpétuation des dictatures, les violences envers les populations avec les « bavures » de l’opération française Barkhane et les exactions des soldats tchadiens, comme récemment au Niger. L’essentiel, pour l’impérialisme français, est que l’ordre règne dans ses anciennes colonies et que Total ou Bolloré aient accès aux richesses minières et pétrolières, dont la population ne voit pas la couleur, puisque le Tchad occupe la 187ème position (sur 189 pays) dans le classement de l’indice de développement humain. Déby fils est accrédité par Macron, mais pas par les travailleurs tchadiens, acteurs de nombreuses grèves ces dernières années, et qui pourrait réécrire ce scénario.

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