Des brevets d’hypocrisie

Mercredi dernier, Joe Biden a surpris son monde en annonçant qu’il était favorable à la levée des brevets sur les vaccins Covid-19. Une centaine de pays réclament pourtant cette levée depuis des mois, dont l’Inde et l’Afrique du Sud où l’épidémie fait des ravages. Elle pourrait permettre à tous les laboratoires qui le peuvent de produire des vaccins génériques à un prix inférieur à ceux des trusts pharmaceutiques. Une annonce qui arrive bien tard, et qui pourrait n’être qu’un coup de com’ du nouveau gouvernement des États-Unis.

Passe ton brevet d’abord

Car rien ne dit que la levée des brevets sera un jour effective. Du Canada à l’Union européenne et au Royaume-Uni, en passant par l’Australie, le Japon ou le Brésil, tous étaient opposés à la levée des brevets. Macron peut bien fanfaronner qu’il a toujours voulu que les vaccins soient « un bien public mondial », les députés européens LREM, comme ceux du RN ou de LR, ont tous voté contre la levée des brevets. Quant à la Gauche institutionnelle française qui applaudit Biden, elle est toujours beaucoup plus radicale dans l’opposition que quand elle est au gouvernement.

Biden passe pour le héros du jour. Mais la semaine dernière, il défendait encore ces brevets. Et il continue d’appliquer la préférence nationale en matière de vaccins et de matériel médical, dans la droite ligne de Trump, quitte à garder en stock des millions de doses du vaccin d’Astra Zeneca pas autorisé aux États-Unis.

Big Pharma peut dormir tranquille

Tous ces dirigeants reprennent le discours des laboratoires pharmaceutiques. Même ceux qui font mine d’être pour la levée des brevets, comme Macron qui a déclaré jeudi dernier que « la question des brevets est un faux débat. Ce qui rend difficile l’accès aux vaccins aujourd’hui, c’est le transfert de technologie et la capacité à produire. » Tant pis si des laboratoires d’Afrique du Sud ou du Bangladesh annoncent disposer du matériel et des compétences pour relever ce défi.

On peut effectivement faire confiance à l’industrie pharmaceutique pour tout faire pour maximiser ses profits, quitte à ralentir la campagne de vaccination, alors même que les États ont assumé tous les risques en finançant le développement des vaccins à coups de milliards. Rien de surprenant à ce que le PDG de Moderna, Stéphane Bancel, déclare que cette annonce ne lui avait « pas fait perdre une minute de sommeil ». Quant à la Bourse, elle s’est un peu agitée mercredi avant de se rappeler que Moderna prévoit 18 milliards de profits en 2021 et Pfizer 26 au lieu des 15 initialement prévus.

Fracture vaccinale

Tous se répandent plutôt sur la nécessité d’aider les usines existantes à augmenter la production. Dans les faits, entre les vaccins vendus à prix d’or (de 10 à 30 euros la dose pour les vaccins à ARN messager) et un programme Covax d’accès au vaccin universel sous-doté (seulement 7,5 milliards d’euros), les pays impérialistes marginalisent les pays pauvres dans la campagne de vaccination avec seulement 0,2 % du total des doses injectées.

Les gouvernements ont regardé l’Inde, l’Afrique du Sud ou le Brésil s’enfoncer dans le chaos sans rien faire. Ils font mine de se réveiller, alors que les centaines de variants pourraient bien nous revenir sous la forme d’une 4e ou 5e vague qui pourraient mettre à mal la campagne de vaccination actuelle.

La santé n’est pas une marchandise

L’urgence est de vacciner le plus rapidement possible toute l’humanité. Et les brevets sont un obstacle inadmissible. La moindre des choses serait de les retirer. Mais pour que le vaccin devienne réellement un « bien public de l’humanité », il faudrait aussi réquisitionner toutes les industries de la chaîne de production, des matières premières aux plateformes logistiques et centres de santé, pour les administrer aussi vite que possible, sans enrichir les actionnaires. Les déclarations n’y feront rien, seul un effort exceptionnel basé sur la participation consciente et active des travailleurs de ces secteurs le permettra.

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