La grève des cheminots arrive très probablement à quai, après dix à douze jours où des dizaines de milliers d’entre eux ont tenu tête au gouvernement et à la direction de la SNCF. Une chose est sûre : ils ont eu mille fois raison de se mettre en grève.
Bravo aux cheminots qui ont dit non
Certes la réforme ferroviaire pouvait paraître bien obscure. Mais derrière cette réforme, se tenaient en embuscade des menaces précises contre leurs conditions de travail : la perte d’une dizaine de jours de repos, l’augmentation des amplitudes d’heures travaillées jusqu’à 14 heures, sans compter de nouvelles suppressions de postes, voire à terme une privatisation par morceaux.
Rappelons-nous le sort qui a été celui de France-Telecom, EDF, La Poste et bien d’autres entreprises dites de « service public ».
C’est une nouvelle offensive contre les travailleurs et les usagers, sous prétexte de plus de productivité dont aurait besoin la SNCF.
Une chanson déjà connue de tous les salariés. Il faudrait davantage de « compétitivité »… pour les patrons. Les travailleurs devraient accepter les bas salaires, le manque d’effectifs et les licenciements, l’aggravation des conditions de travail. Les salariés n’ont pas à accepter ce chantage.
Les cheminots se sont emparés massivement de l’appel à la grève des fédérations CGT, Sud-Rail et FO. Parmi eux, beaucoup de jeunes, dont c’était souvent la première grève. Cette irruption a été remarquée par la direction de la SNCF et le gouvernement. Mais aussi par les directions syndicales, qui ont été quelque peu bousculées par leur détermination et leur enthousiasme.
Palabres au Parlement
Elles étaient bien loin de la lutte, ces discussions à l’Assemblée nationale, où l’on a vu le gouvernement accepter quelques amendements proposés par André Chassaigne du Front de Gauche, suivant un scénario écrit d’avance.
Il ne s’agissait pas d’amendements dans l’intérêt des cheminots, il s’agissait explicitement « d’amendements pour stopper la grève ! ». Aucun cheminot n’a été dupe. Personne en AG n’a osé dire qu’il y avait quelque chose à prendre là-dedans.
Certes, Thierry Lepaon, le secrétaire général de la CGT, les a jugés positifs, et a parlé d’un « tournant » dans le mouvement jeudi dernier. C’était sa manière d’annoncer que l’état-major de la CGT s’inclinait devant le gouvernement, et appelait comme Hollande et Valls à reprendre le travail. Sud a d’ailleurs suivi la CGT. C’est ce que certains chefs syndicaux appellent l’unité syndicale. Mais à la base, parmi les cheminots grévistes cégétistes ou sudistes, on croyait un peu plus dur à la seule arme de la grève.
Des jalons vers la lutte d’ensemble
La grève des cheminots semble s’achever, mais pas de répit : le combat des intermittents du spectacle redouble d’intensité. Une nouvelle claque pour Valls qui voudrait maintenir la convention chômage que les intermittents combattent, et tant pis pour son numéro d’ami de la culture.
Le gouvernement répète sur tous les tons qu’il est impossible que les conflits en cours s’agrègent. Une convergence l’inquiète. Des pas, certes petits, sont faits dans ce sens. Sous la tour Eiffel, le 19 juin, les touristes ont pu voir des cheminots manifester au coude à coude avec des intermittents en lutte et des postiers grévistes. Des cheminots de différentes gares et centres se sont réunis en une « assemblée générale des assemblées générales », un premier pas vers une coordination des grévistes d’un site à l’autre. Des hospitaliers se sont rassemblés à Caen le 18 juin et préparent une nouvelle action pour le mois de septembre.
Ces initiatives sont autant de jalons pour la jonction des luttes. C’est une évidence qu’on ne peut pas gagner en restant isolés. Cheminots, intermittents, postiers, hospitaliers… : tous ceux qui veulent gagner ont intérêt à nouer des liens entre eux et avec d’autres. Ce sont des pas en avant vers le mouvement d’ensemble qui aura la force de changer la donne.