l’étincelle du 30 mars 2020

Le coup de l’union nationale

« Je suis en colère et j’ai la rage », c’est le cri du cœur d’un psychologue de l’hôpital de Mulhouse, dans une tribune publiée le 24 mars par Libération, face aux hôpitaux saturés et à l’impuissance du personnel dans la crise sanitaire, qui résultent en grande partie du manque de moyens après des années de démantèlement de l’hôpital public, de fermetures de lits, de réduction des budgets. Une rage contre ces politiciens qui en appellent à l’union nationale, espérant faire oublier qu’ils sont responsables de cette situation et qui défilent dans les médias pour jeter la faute sur les habitants ou les étrangers et s’inquiètent surtout du risque de récession.

Oui, les soignants peuvent avoir la rage quand Macron vient se montrer à Mulhouse, où l’épidémie est au plus haut et l’hôpital au fond du gouffre, pour servir de nouveaux mots creux aux caméras. La rage de se voir accorder 2 milliards d’euros pour répondre à l’urgence sanitaire quand 345 milliards sont débloqués pour les patrons et les banques. Ils peuvent avoir la rage de ce prétendu « plan massif d’investissement et de revalorisation des carrières », pour lequel il faudra encore attendre… et croire aux belles promesses.

Oui, les soignants peuvent avoir la rage quand le directeur des hôpitaux de Paris, Martin Hirsch, vient tirer une larme à la radio après avoir appliqué l’austérité pendant des années. Quand il les appelle à la mobilisation générale, alors qu’ils ne comptent déjà plus leurs heures pour remédier comme ils peuvent au sous-effectif. Et que pour toute rétribution, on leur offre des « mercis ».

Oui les soignants peuvent avoir la rage quand ils doivent trier les patients parce que le seuil critique est atteint dans un nombre croissant d’hôpitaux. Quand des vies sont perdues par manque de respirateurs alors que le gouvernement ne manque pas de drones pour surveiller la population et que les gaz lacrymogènes et grenades de désencerclement n’ont jamais manqué pour réprimer les manifestations, à commencer par celles des hospitaliers contre le manque de moyens.

Oui les soignants peuvent avoir la rage quand ils alertent sur la pénurie de tests, de masques, de gants, de blouses, de charlottes et que la priorité du gouvernement est de relancer les chantiers du BTP et les usines automobiles.

Oui, les travailleurs de l’aéronautique ou de l’automobile peuvent aussi avoir la rage quand leurs patrons leur demandent de revenir au travail, alors que l’épidémie fait plus de morts chaque jour. Quand l’urgence est de faire tourner la machine à profits, alors que produire de nouveaux avions ou voitures peut attendre.

Oui, les ouvriers du bâtiment peuvent avoir la rage quand leurs patrons s’avouent incapables de mettre en place les mesures de protection et que le gouvernement réclame la réouverture des chantiers.

Oui, les postiers peuvent avoir la rage quand La Poste les envoie distribuer courrier et colis sans masque ni gants, que le gel hydroalcoolique est distribué au compte-goutte. La rage de voir une direction qui tente de cacher les malades du Covid-19 dans les centres, alors que le nombre de postiers atteints par le virus monte en flèche, et que 900 cas sont recensés à ce jour par les syndicats.

Oui, tous les travailleurs peuvent avoir la rage quand le gouvernement profite du confinement pour supprimer des congés et remetre en cause les 35 heures. Certains secteurs pourront travailler jusqu’à 60 heures, alors que le chômage, misérablement rémunéré ou pas du tout, risque d’exploser rapidement. Cette rage s’est d’ailleurs déjà montrée par les droits de retrait qui se sont multipliés la semaine dernière.

Oui, les habitants des quartiers populaires peuvent avoir la rage, quand la police y multiplie les contrôles, alors qu’aucune amende, ni garde à vue n’est donnée en revanche au patrons qui mettent en danger leurs salariés en les confinant au travail.

Il serait trop dangereux de laisser Macron et le patronat perpétuer ces reculs sociaux et de nos libertés, au nom de la lutte contre le coronavirus et du redressement économique. Macron en appelle à l’union nationale derrière son gouvernement et le grand patronat. Face au virus du capitalisme, c’est l’union du monde du travail qu’il est urgent de mettre à l’ordre du jour.


Ça confine à l’absurdité

Pour Clotilde Delbos, la DG de Renault qui a adressé un message aux « collaborateurs » vendredi, « la semaine écoulée est une de plus passée à lutter collectivement contre la crise sanitaire ». Par le confinement total des salariés ? Non par un « plan de continuité d´activité » ! Le Conseil scientifique a beau estimer que « concernant les activités professionnelles, seules doivent persister les activités strictement nécessaires à la vie de la Nation », il s’agit pour Delbos de « préserver les activités que nous jugeons essentielles pour le Groupe » comme « le lancement de notre gamme e-tech ou la nouvelle génération de Sandero » ! Résultat : chaque jour plus de 150 salariés travaillent au Technocentre et plus de 200 à Aubevoye. Mais on n’y a pas vu Delbos.


Bas les masques

Pour « participer à l’effort collectif », Delbos est fière d’annoncer que Renault a « fait don de masques et mis à disposition des véhicules pour le personnel médical ». En continuant d’envoyer des centaines de salariés travailler sur site, Renault participe surtout à la diffusion du coronavirus.


Union sacrée pour nous faire bosser

Des élus SUD ont déclenché la semaine dernière une procédure de DGI, jugeant que les salariés qui travaillent sur site sont exposés à un Danger Grave et Imminent. Sous la pression de la direction, les élus CFE/CGC et CFDT en charge de l’enquête ont jugé eux que, vu les mesures de précaution prises, ils pouvaient lever le DGI et autoriser les salariés à travailler sur site. Des élus qui soulignent même dans leur compte-rendu d’enquête que « le virus est bénin pour 85% de la population contaminée » ! Les 15 % restant sauront à qui demander des comptes.


Aux petits soins de la direction

Alors que les médecins qui sont sur le front dans les hôpitaux demandent aux gens de rester confinés, ceux de Renault accompagnent la reprise d’activités non vitales. Ainsi la levée du DGI s’est faite avec la bénédiction de la médecine du travail de Guyancourt. La direction sait sur qui elle peut compter.


Amende amère

Pour détourner les mesures de confinement, des chefs se sont empressés de distribuer des justificatifs de déplacements professionnels. Sauf qu’ils n’étaient pas réglementaires, comme ont pu le constater des salariés contrôlés par la police en se rendant au TCR et mis à l’amende. Et c’est qui qui paye ?


Prestation-service

Les deux tiers des salariés qui travaillent sur site sont des prestataires. La direction de Renault croit peut-être qu’ils sont plus immunisés contre le coronavirus.


Renault en mode 49.3

La direction a convoqué des CSE extraordinaires vendredi 27 mars après-midi pour annoncer que les établissements d’Ingénierie/Tertiaire d’Ile-de-France seraient mis en chômage partiel à 50 %, dès lundi 30 mars, avant même qu’un accord sur la rémunération du chômage partiel ait été conclu avec les syndicats. Chaque salarié a donc appris lundi matin si son activité passait à 50 % (pour 85 % des cas), 0 ou 100 %. Il n’y avait pourtant aucune urgence, si ce n’est faire 50 % d’économies sur la masse salariale.


Toit de chôme

Du chômage partiel payé à 100 % sans que cela coute un sou à Renault : c’est possible. L’État prend déjà à sa charge 84 % du salaire net. Et les 16 % restant sont versés en puisant dans le Capital Temps Individuel, et dans les réserves du fonds de solidarité créé par Renault suite à la crise de 2008 (et financé à moitié par les salariés). Pour faire des économies sur le dos des salariés, la direction ne chôme pas.


Le démon de 13h

Pour ceux qui seront au chômage partiel à 50 % et en télétravail, leur activité est supposée s’arrêter à 13h. Il est fort à parier qu’ils seront nombreux à continuer de bosser après 13h. Désormais on pourra être en télétravail, en garde d’enfant et au chômage partiel !


Allez confiner ailleurs

Renault a aussi profité du coronavirus pour accélérer le dégraissage des prestataires, commencé bien avant. A Renault, c’est un peu comme dans les hôpitaux : certains ont un respirateur, d’autres pas…


Piège à con…finés

Impossible d’annuler les congés posés en avril. La direction doit penser qu’on rêve d’être confiné chez soi.


Nous nous sommes tant AI

La direction a décidé de verser seulement 50 % des primes de performances des Cadres et des ETAM en avril (le reste en octobre). Elle repousse aussi de 6 mois les Augmentations Individuelles (AI). Ce ne sont pourtant pas les 500 € de prime des ETAM ou les 2 % d’AI qui risquaient de faire couler Renault.


Vers la reprise… des acquis

La direction de Renault est sur le starting-block pour faire redémarrer l’activité dans l’Ingénierie et dans les usines. En cas de reprise, elle voudrait gérer à sa guise les congés d’été (afin de pouvoir les réduire en juillet/aout), imposer jusqu’à 3 samedis travaillés par mois avec des heures supplémentaires payées 110 % au lieu de 125 %. C’est ce qu’elle appelle les « leviers pour soutenir la reprise d’activité ». La crise, c’est une opportunité pour le patronat de revenir sur les acquis sociaux.

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