“Ne nous trahissez pas !”

Le score de l’extrême-droite aux Européennes, avec 31 % pour la liste du Rassemblement National (un peu moins de 16% des inscrits), n’a hélas surpris personne. Après des années de normalisation du RN dans les médias, le gouvernement avait choisi de mettre en scène son duel ou plutôt son duo avec l’extrême-droite pour mieux étouffer les autres candidatures.

La surprise est venue de la dissolution de l’Assemblée nationale, un véritable cadeau pour le RN, que Bardella venait de demander juste avant. Mais Macron a déboussolé son propre camp. Qu’il croit se poser encore une fois en ultime recours ou piéger l’extrême-droite dans une cohabitation, il n’y a rien à espérer du côté de Macron, pas même le « moindre mal » qu’il représente pour ses électeurs.

Une deuxième surprise a suivi : la gauche institutionnelle a choisi l’unité. Ses quatre principaux partis se sont retrouvés pour négocier un accord. Une nécessité pour obtenir des députés. Dehors, les militants et les sympathisants de gauche leur criaient « Ne nous trahissez pas ! ». Il faut dire que c’est arrivé souvent. L’électorat de gauche s’abstient de plus en plus. Chaque trahison, chaque déception de la gauche quand elle est au pouvoir alimente la passivité. Quant au RN, il vient déjà de trahir sa promesse de réinstaurer la retraite à 60 ans.

Un Nouveau Front populaire ?

En reprenant le nom du Front populaire, l’alliance de la gauche fait appel à notre imaginaire. Ce front avait été formé en 1934 face à la montée de l’extrême-droite et avait réussi à faire élire une majorité de députés en mai 1936 en regroupant communistes, socialistes et radicaux (les centristes de l’époque, bien loin du mouvement ouvrier). La pression à la réunification syndicale (la CGT était alors divisée en deux) et surtout la grève générale de juin 1936 ont permis des avancées sociales inédites. Les congés payés en sont les plus connus. Ceux-ci ne faisaient pourtant pas partie du programme du gouvernement du Front populaire. Ce sont les grévistes qui les ont obtenus.

Le Nouveau Front populaire nous fait déjà moins rêver. Les premières tensions sont arrivées rapidement. Glucksmann a voulu poser ses conditions programmatiques. Hollande s’est porté candidat à la surprise du PS, son propre parti. La France Insoumise (LFI) a évincé ses députés sortants qui s’étaient opposés à Mélenchon mais a présenté Quatennens, condamné pour violences conjugales, avant qu’il ne décide de se retirer devant le tollé. Et pour équilibrer l’ensemble, Philippe Poutou a été parachuté par LFI dans l’Aude1, avec quasiment aucune chance de victoire.

Vers l’unité d’action

Le Nouveau Front populaire demande le soutien des syndicats et des associations. Difficile de faire la sourde oreille : le RN détruira chaque fois qu’il le pourra les organisations qui ne lui sont pas inféodées et les mobilisations populaires. De leur côté Lutte Ouvrière, le NPA- Révolutionnaires et le Parti des Travailleurs peinent à convaincre et sont victimes du vote utile.

Pour autant, pas question de faire un chèque en blanc aux candidats du Nouveau Front populaire qui ont voté, qui la privatisation des services publics (gouvernement Jospin 1997/2002), qui l’allongement des cotisations retraites (réforme Touraine 2014), qui ont fait entrer Macron au gouvernement (présidence de François Hollande 2012/2017) ou encore soutenu la chasse aux Roms de Manuel Valls (2012).

L’unité au service des mobilisations, c’est bien celle qui compte. L’unité d’action des salariés, des précaires et des jeunes, quelle que soit l’issue du scrutin, est notre seule garantie face au danger de l’extrême-droite et aux hésitations, voire aux trahisons de la gauche. C’est le sens des manifestations actuelles. Se retrouver contre l’extrême-droite et se remobiliser. Une réaction la plus large possible est nécessaire et pas seulement dans les urnes.

Alors pas une voix pour la droite et l’extrême-droite, pas une voix pour Macron ! « Ne nous trahissez pas », ce qui signifie : à nous d’imposer nos revendications.


Le Rassemblement national défend les multinationales, pas les pauvres

Le site Internet StreetPress a épluché les votes des députés Rassemblement National au Parlement européen. Sans surprise, la formation d’extrême droite est « très souvent alignée sur les positions des grandes compagnies comme Total, McDonald’s ou Monsanto ». C’est sans doute pourquoi elle s’est opposée à toute législation visant à contrôler « les abus » des multinationales, ou à taxer les « super- profits ».

En revanche, ses députés ont voté contre l’instauration d’un salaire minimum au sein de l’Union européenne, contre la parité salariale hommes-femmes, contre la protection des précaires et des chômeurs…

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