Les 700 000 lycéens qui aspirent à être étudiants à la rentrée 2018 ont jusqu’au 10 mars pour déposer sur internet, via une plateforme d’admission à l’université dite ParcourSup, un genre de curriculum vitae et dix « vœux » accompagnés de lettres de motivation. Ensuite… on leur écrira ! Un « on vous écrira » qui rappelle quelque chose à tous ceux qui recherchent un emploi.
Une partie de la jeunesse populaire connait malheureusement déjà cette situation, n’a pas accès à l’enseignement supérieur et bien en amont, se trouve « orientée » vers des formations professionnelles plus ou moins sérieuses, mais plus généralement vers des petits boulots ou Pôle emploi. Sous prétexte de résoudre le manque de place après le bac, le gouvernement entérine, légalise et généralise cette situation. Et, tout particulièrement envers les jeunes, il ne fait qu’aggraver l’injustice sociale existante.
La politique du pire
De prétendus spécialistes expliquent qu’il n’y aurait plus de place pour tout le monde dans les lycées et les universités, et que pour enrayer la baisse générale du niveau, il vaudrait mieux que les enfants de milieu populaire aillent voir ailleurs. Ils seraient en trop grande difficulté scolaire et c’est donc pour leur bien qu’on leur fermerait la porte. Point de vue crasse de l’élite – ou prétendue telle – qui entoure et soutient Macron.
Certes, cela va mal dans les écoles, les lycées et les universités. L’Etat ne veut pas consacrer les moyens humains et matériels nécessaires. Le nombre d’élèves augmente et le nombre d’enseignants diminue. Trop d’établissements sont vétustes et non équipés, dont des universités. Mais faudrait-il aggraver la situation en réduisant le nombre de places ? Est-ce que ce sont les jeunes qui ne sont pas à la hauteur des universités, ou les universités (et déjà les lycées) qui ne sont pas à la hauteur des jeunes et de leurs besoins ? Macron veut mettre de nouveaux barrages aux enfants des classes populaires, alors que la ségrégation sociale sévit déjà, qui les exclue par exemple des classes prépas et des grandes écoles vers lesquelles sont orientés les enfants de la bourgeoisie et petite bourgeoisie.
Les raisons de la colère
Colère des lycéens réticents face à l’usine à gaz de ParcourSup, avec ses lettres de motivation et ses « attendus » parfois incompréhensibles pour s’inscrire dans chaque filière. Colère des profs des lycées qui n’ont aucune envie de présélectionner leurs élèves en leur attribuant des appréciations. Colère des profs d’université à la perspective d’examiner plus de 7 millions de dossiers (ce qui à raison de 30 mn pour chaque, ferait plus de trois millions d’heures de travail supplémentaires).
Les universités n’auront pas les moyens de dépouiller sérieusement chaque dossier. Elles accepteront alors plus volontiers la candidature d’un lycéen issu d’un quartier chic que d’un quartier populaire. On s’étonnera ensuite que les 20 % à 30 % de jeunes qui, à la rentrée prochaine ne trouveront pas de place dans les universités, appartiennent à la classe ouvrière.
Devaquet 2.0
Dans plusieurs villes, des lycéens, des étudiants et des professeurs ont commencé à manifester contre ce projet. Plusieurs syndicats et organisations d’enseignants, d’élèves et de parents, annoncent désormais une journée de grève et de manifestation jeudi 1er février.
Un début de riposte, espérons-le. Car dans les entreprises comme dans le milieu scolaire, c’est le ras-le-bol de la mise en concurrence, des machines à licencier, à exclure, à reléguer au chômage et aux petits boulots. Ce n’est pas la première fois que la jeunesse sonnerait le départ d’un mouvement d’importance. En 1986, le ministre de l’éducation Devaquet, qui vient de décéder, avait tenté une réforme similaire. Il avait dû y renoncer face à la révolte de la jeunesse et à son extension chez les cheminots.