Les débuts de la révolte
Le 25 septembre dernier, c’est un mouvement d’une rare ampleur qui a débuté dans les régions rurales du nord. Le Pendjab, l’Haryana, le Rajasthan, les États qui forment le grenier à blé et à riz traditionnel du pays, ont vu des centaines de milliers, puis sans doute plusieurs millions de ruraux se mobiliser en descendant bloquer les routes et les chemins de fer, manifester sous le slogan « Arrêtez de tuer les paysans », avant de mettre à sac les boutiques de téléphonie, les stations-service et des magasins appartenant à des grands groupes industriels indiens.
Plusieurs centaines de milliers d’agriculteurs sont partis en convois pour venir assiéger Delhi, la capitale fédérale voisine. Malgré les efforts du gouvernement de l’État de l’Haryana [1] pour barrer la route à ce mouvement du « Delhi Chalo » (vers Delhi !), quelque 250 à 300 000 manifestants se sont retrouvés aux portes de la ville, barricadées par la police avec des panneaux métalliques et des blocs de béton, pour les empêcher d’aller plus loin. Les dirigeants indiens se souviennent sans doute encore de la dernière grande jacquerie paysanne en 1988 qui avait vu un nombre comparable d’agriculteurs en colère mettre à sac leur Boat Club [2]. En attendant, ils laissent donc les manifestants camper dans le froid en espérant qu’ils finiront par se décourager ou accepteront de revenir négocier. De leur côté, les paysans assurent être déterminés à rester jusqu’à ce que le Parlement revienne sur les trois Farm Bills votées au mois de juin et à l’origine de la révolte.
En Inde, les ruraux forment toujours les deux tiers de la population, soit environ 900 millions de personnes [3], même si la part du secteur agricole décline depuis plusieurs années dans le PIB. L’agriculture emploie toujours plus de 40 % des actifs [4]. Il s’agit donc d’une question centrale dans la société indienne.
Les Farm Bills
Les Farm Bills, ces trois « lois agricoles », visent à supprimer tout encadrement des prix agricoles, aussi bien en amont du côté des vendeurs, qu’en aval du côté des acheteurs. Il s’agit d’une nouvelle remise en cause du fonctionnement des marchés agricoles mis en place lors de l’indépendance (1947) et de la Révolution verte (années 1960).
Ainsi le gouvernement Modi veut démanteler les quelque 7 000 mandis, des marchés publics, où les agriculteurs ont la garantie de pouvoir écouler leurs produits selon des prix et pour des volumes fixés à l’avance [5].
Chaque mandi est dirigé par une instance mixte, comptant à la fois des représentants du gouvernement, des représentants élus et des délégués paysans. La structure est très bureaucratique, et notoirement corrompue, assurant ainsi des revenus importants aux grands propriétaires fonciers, mais elle reste indispensable à une part de la paysannerie moyenne ou petite. Pour autant, ces marchés publics n’étant pas présents sur tout le territoire indien, ils ne concernent qu’une fraction assez minoritaire de la paysannerie indienne, notamment dans le nord et le nord-ouest.
Les stocks constitués dans ces marchés publics sont indispensables à un second dispositif, le système de distribution publique [6], qui touche une population encore plus nombreuse. La « loi sur les produits essentiels », remise en cause par les Farm Bills, permettait jusqu’à présent d’assurer la vente à bas prix de certains produits (notamment blé, riz, sucre, carburant et désormais masques et désinfectant) et obligeait les commerçants à écouler leurs stocks en cas de pénurie.
Ces réformes provoquent une large inquiétude, aussi bien dans les campagnes qu’en ville, car elles sont un premier pas vers le démantèlement intégral du système de distribution publique, dont 40 millions de familles dépendent pour vivre [7].
Garantir un prix équitable des produits agricoles à certains agriculteurs, tout en assurant à des familles démunies des distributions régulières, signifiait que l’agriculture indienne était jusqu’à présent très largement subventionnée par l’État. C’est à cela que s’opposent le gouvernement de Modi et ses partisans qui critiquent l’inefficacité du système pour mieux le détruire, à travers ces trois lois sur l’agriculture.
À qui profite le crime ?
L’arrivée au pouvoir en 2014 de Narendra Modi, le dirigeant du BJP et ancien Premier ministre du Gujarat, a bien marqué une rupture dans la vie politique indienne. Beaucoup de journaux retiennent surtout du programme de Modi ses diatribes enflammées contre l’ennemi – pakistanais ou chinois – et la « cinquième colonne » musulmane. Pourtant, la partie centrale de son programme est la « modernisation » de l’économie indienne encore entravée selon lui par l’État « socialiste » mis en place par le parti du Congrès dans la période précédente.
Au début des années 2000, Modi avait déjà montré dans son État du Gujarat ce qu’était cette modernisation : suppression des protections pour les travailleurs et l’environnement, subventions massives aux grands groupes (ces derniers arrosant en retour le BJP), et suppression des programmes sociaux, notamment ceux qui profitaient aux zones rurales.
Devenu Premier ministre en 2014 et réélu en 2019, Modi applique la même politique au pays tout entier. Les manifestants ne s’y trompent d’ailleurs pas, en saccageant avec constance les propriétés de deux milliardaires très proches du pouvoir, Mukesh Ambani [8] et Gautam Adani, deux des hommes les plus riches du pays.
Ce sont en effet des think tanks financés par ces deux-là qui ont fourni aux parlementaires les textes des lois, ainsi que leurs argumentaires quasiment ficelés à l’avance. Il est vrai qu’ils pouvaient bénéficier d’une certaine expérience en la matière puisqu’en 2007 déjà une première offensive des grands groupes indiens (comme Ambani, Tata, Birla, Raheja, etc.) pour mettre la main sur le commerce de détail des produits agricoles avait eu lieu avec la bénédiction du parti du Congrès alors au pouvoir. Cependant, cette première tentative s’était soldée par de nombreuses déconvenues (et quelques faillites retentissantes comme celle du Future Group de Kishore Biyani) du fait de la concurrence des circuits de commercialisation officiels.
Les Farm Bills de 2020 correspondent donc à des exigences directes de magnats indiens qui veulent faire disparaître les circuits de distribution des produits agricoles publics et subventionnés à perte par l’État. pour mettre en place les leurs. Le groupe Reliance Industries de Mukesh Ambani, est d’ores et déjà l’un des mieux positionné. En juillet dernier, il a ainsi lancé, en partenariat avec Facebook, une plate-forme numérique, JioKrishi, qui doit permettre d’uberiser la distribution en contournant de nombreux intermédiaires.
Une telle réforme est donc aussi une remise en cause des positions de la bourgeoisie rurale indienne. Dès lors, la coalition gouvernementale du BJP est elle-même menacée de dislocation, à l’image de la démission de Harsimrat Kaur Badal, ministre de la Transition alimentaire, et dirigeante du SAD [9].
Le monde paysan
La révolte contre les Farm Bills n’est pas aussi uniforme que les informations indiennes le montrent : le mouvement est systématiquement présenté depuis ses débuts comme celui de la paysannerie du nord. Ce sont uniquement les dirigeants des unions paysannes du Pendjab ou de l’Haryana qui sont interviewés, et les « Arhtiyas » – les gros négociants et courtiers en grains sikhs du Pendjab, qui contrôlent une bonne partie du commerce du blé et du riz dans les mandis – sont pointés du doigt par Narendra Modi et ses alliés comme leurs principaux adversaires.
Le BJP de Modi aimerait bien pouvoir présenter le mécontentement actuel comme un mouvement de défense des « privilèges » des paysans du nord, qui n’aurait rien de commun avec les intérêts de l’ensemble de la paysannerie. Mais si l’agriculture indienne reste profondément inégalitaire, on comprend mal en quoi les mandis et la distribution de denrées alimentaires en seraient les premiers responsables. Par ailleurs, la coalition des paysans indiens comprend plus de 500 organisations, issues de nombreux États [10], même si le mouvement reste le plus fort dans les États du nord.
Les dirigeants paysans insistent au contraire sur le fait que le mouvement représente les intérêts de l’ensemble de la paysannerie et de la population. Ce qui est un phénomène tout à fait nouveau, car en Inde la plupart des mouvements de contestation sont marqués par les aspirations régionalistes, les préjugés xénophobes ou de castes (contre les dalits [11] par exemple), si marqués dans la société rurale, qu’ils ont toujours servi dans les mouvements précédents à délimiter nettement les interlocuteurs du gouvernement qui entendaient bénéficier des mesures protectrices.
La paysannerie est loin de former un ensemble homogène. D’abord parce que les différences régionales, de caste, de religion, et les rapports de force qui en découlent, la morcellent en d’innombrables couches sociales aux intérêts souvent divergents.
Si les membres d’une même caste peuvent se retrouver dans des situations très différentes en fonction des districts et des régions, on trouve par exemple une sur-représentation des Dalits parmi les paysans sans terre et des métayers. Les fortes densités de population rurale correspondent aussi depuis longtemps à une division des situations entre les grands propriétaires fonciers, les petits propriétaires et les métayers (qui louent les terres des propriétaires fonciers pour les cultiver), tous ou presque employant, dans des proportions différentes, des ouvriers agricoles sans terre, la catégorie paysanne de loin la plus nombreuse [12]. Les neuf dixièmes des paysans indiens possèdent moins de deux acres de terre (0,8 hectare), voire pas de terre du tout. Dans la petite paysannerie, le nombre de suicides pour cause de surendettement est très élevé : près de 350 000 au cours des 25 dernières années, 10 000 pour la seule année 2019.
En conséquence, l’exode rural est constant et la part des emplois agricoles est passée de 50 % à 40 % de la population active indienne entre 2005 et aujourd’hui [13]. Ce mouvement reste inachevé, car l’industrie indienne est incapable d’absorber un trop-plein de main-d’œuvre. Une partie de ce prolétariat travaille dans l’économie informelle en ville, mais garde quelques attaches à la campagne.
Le confinement décrété brutalement en 2020 a mis en lumière la situation dramatique de cette population, privée de revenus, dont beaucoup ont dû se résigner à repartir, à pied, dans leurs villages d’origine pour éviter de mourir de faim.
Un mouvement qui dure
Deux actions massives de blocages et de grèves, ou « Bharat Bandh », ont montré l’ampleur du mouvement les 26 novembre et 8 décembre. Certains journaux les ont considérés comme les « grèves générales les plus importantes de l’histoire de l’humanité » [14], même si les chiffres avancés de 200 à 250 millions de personnes restent des estimations difficiles à vérifier. Les Bharat Bandh sont ce qui se rapproche le plus de journées de grèves pan-indiennes, et elles n’ont pas d’équivalent dans le monde par le nombre de travailleurs qu’elles mobilisent. Or, ce sont bien les organisations paysannes qui ont appelé à la seconde action du 8 décembre, avant de recevoir le soutien de nombreux travailleurs des villes et de la plupart de leurs organisations [15] [16].
La grève du 26 novembre, appelée par presque toutes les centrales syndicales ainsi que par les partis de gauche, était surtout dans l’esprit de leurs dirigeants une « journée d’action », destinée à faire une démonstration de force, mais en aucun cas à construire un mouvement dans la durée, et il n’existe pas pour l’instant de mouvement à la base qui puisse tenter de le faire, en dehors de la paysannerie [17]. La mobilisation du 8 décembre visait à la fois à appuyer et à profiter de la mobilisation paysanne.
Pour autant, les raisons d’entrer dans une lutte contre le gouvernement ne manquent pas non plus pour les travailleurs urbains. D’ailleurs, une autre journée de grève, contre le chômage et la précarité, avait été un large succès le 8 janvier 2020, avant que le confinement ne vienne paralyser le mouvement et ne durcisse encore plus drastiquement les conditions de vie des travailleurs [18]. Le gouvernement d’extrême droite de Narendra Modi avait profité de la situation pour passer plusieurs réformes contre les travailleurs, imité par de nombreux États, bon nombre d’entre eux allant jusqu’à suspendre le code du travail pour trois ans, rétablissant la semaine de travail de 72 heures [19]. Mais le mouvement ouvrier indien n’avait pas répondu par un mouvement d’ensemble : des mobilisations importantes ont pu avoir lieu, comme celles des mineurs en juillet contre l’ouverture de plus en plus importante aux capitaux privés dans un secteur largement public et pour des hausses de salaire, qui a réuni plus de 500 000 grévistes sur trois jours [20]. Plus récemment encore, les images de l’usine Wistron, un sous-traitant d’Apple près de Bangalore, saccagée lors d’une protestation des ouvriers contre les heures non payées et les retards de plusieurs mois sur le versement de certains salaires, ont fait le tour du monde. Mais ces luttes restent isolées, et la perspective de grandes journées nationales ne suffit pas à changer cet état de fait, en l’absence d’un mouvement qui s’inscrive dans la durée.
Le mouvement de protestation des paysans, en mobilisant des centaines de millions de travailleurs, urbains comme ruraux, et en les faisant descendre en masse dans la rue, en assiégeant la capitale avec l’assentiment d’une large partie de la population, pourrait contribuer à nourrir un départ de feu. Des paysans, et une fraction de la bourgeoisie agraire pendjabie, se sont ainsi trouvés à la tête d’un mouvement de contestation prenant de facto un caractère national et politique. Et si la population paysanne est loin de former un tout homogène, si les projecteurs sont actuellement braqués sur les riches fermiers du Pendjab, de l’Haryana, de l’Uttar Pradesh ou du Rajasthan, sur les négociants et les politiciens avec lesquels ils sont liés, il ne faudrait pas oublier que l’écrasante masse des ruraux, y compris dans les États voisins du nord (comme le Bihar, le Bengale occidental, le Jharkhand…) est composée de paysans sans terre ou de micro-propriétaires, largement exclus des mesures protectrices des mandis que le gouvernement attaque par ses Farm Bills. S’ils se mobilisent également, comme les journaux indiens le remarquaient en notant que le mouvement s’étendait progressivement à ces régions et même à d’autres États du sud, c’est donc sur d’autres revendications. Une bonne partie d’entre eux se sentent menacés, à juste titre, par la suppression des produits alimentaires subventionnés. Et les aspirations à la réforme agraire et au partage des terres sont toujours bien présentes : ainsi, le Comité Zameen Prapti Sangharsh (ZPSC) au Pendjab exige des terres pour l’agriculture coopérative des familles dalits sans terre, mais soutient aussi le mouvement actuel à Delhi [21] [22].
Les paysans peuvent-ils l’emporter ?
Le blé a déjà été semé : les centaines de milliers d’agriculteurs qui se sont installés autour de New Delhi sont prêts à tenir plusieurs mois [23]. Confronté à cette masse hostile, Modi a cherché à gagner du temps en proposant de les parquer dans un camp à Sant Nirankari… en échange de la proposition du ministre de l’Intérieur Amit Shah, le principal lieutenant de Modi, de venir négocier en personne. La ficelle était un peu grosse, et les manifestants ont refusé. Il fait donner de la voix et de la matraque. Dans l’Haryana, les paysans mobilisés du Dilli Chalo, ont eu fort à faire face aux policiers et canons à eau envoyés par le premier ministre BJP de l’État pour les repousser… en vain. La police a même été jusqu’à réclamer la réquisition des stades de cricket de Delhi pour y enfermer les manifestants. Le Premier ministre de l’État de Delhi, le centriste Arvind Kejriwal, s’est solidarisé avec les manifestants, et l’a ainsi empêché. Si l’ensemble du mouvement paysan insiste sur son caractère pacifique, c’est parce que la répression en Inde est le plus souvent féroce.
Dans un pays frappé de plein fouet par la récession économique, où le chômage dans les villes atteint des records, la poursuite du mouvement pourrait devenir un point de fixation et l’amorce d’une crise politique pour Modi et le BJP.
L’Inde compte douze centrales syndicales, dont le All India Trade Union Congress » (AITUC) fondé en 1920, et plus de 60 000 syndicats locaux qui sont affiliés à l’une ou l’autre de ces centrales. La gauche indienne, y compris les mouvements communistes et marxistes, reste à la fois forte de ses nombreux partisans et particulièrement divisée. L’État du Bengale occidental a été gouverné jusqu’en 2011 par le Parti communiste d’Inde (marxiste) – CPI(M), qui gouverne toujours l’État du Kérala à la tête d’une coalition de gauche. Mais ce sont bien les paysans qui sont l’élément dynamique dans les luttes de classe indiennes en ce moment. Et dans le contexte actuel, les intérêts des travailleurs coïncident pour une bonne part au niveau politique avec ceux des paysans : contre le gouvernement Modi au service du capitalisme en Inde, contre les restrictions de libertés, contre les violences de sa police et de ses milices [24], contre les réformes « pro-business » [25] dans l’industrie et dans l’agriculture, pour des mesures d’urgence face à la crise et à l’épidémie.
Pour chasser Modi, les travailleurs auraient vraisemblablement à entrer eux aussi dans une lutte prolongée. Une mobilisation des travailleurs indiens pourrait avancer ses propres revendications, et la force des mobilisations sociales pourrait surmonter les divisions entretenues par le pouvoir nationaliste hindou.
Mais pour avoir une possibilité de s’opposer victorieusement au gouvernement, la question se poserait inévitablement de s’adresser à toutes les autres composantes de la société, agriculteurs, Dalits et minorités religieuses, et leur proposer une lutte commune. À commencer par les paysans qui assiègent Delhi.
Les travailleurs indiens ont eu raison de marquer leur soutien aux revendications des agriculteurs mobilisés, y compris une distribution de terres en direction de la petite paysannerie et l’annulation des dettes, comme ils l’ont fait les 26 novembre et 8 décembre. Et nombre d’entre eux continuent de le faire autour des campements des agriculteurs mobilisés.
Herman Kruze et Pierre Hélelou, 7 janvier 2021
Article publié sur le site de Convergences Révolutionnaires le 10 janvier 2021
[1] Dirigé par un membre du BJP, le même parti que celui du Premier ministre Narendra Modi ▲
[2] En octobre 1988, un notable jat (une population d’environ 120 millions de personnes dans le nord de l’Inde), de haute caste, Mahendra Singh Tikait, avait déjà conduit une foule gigantesque, peut-être 500 000 personnes, venue des districts occidentaux de l’Uttar Pradesh pour assiéger Delhi. À l’époque, les paysans révoltés exigeaient le maintien des subventions étatiques pour la culture de la canne à sucre. ▲
[3] https://data.worldbank.org/indicato… ▲
[4] https://data.worldbank.org/indicato…, emplois auxquels on peut ajouter le travail des femmes souvent ignoré des statistiques, comme le rappelle encore Oxfam dans son rapport sur l’Inde de 2019, et celui des enfants (la moitié des 7-14 ans dans les foyers agricoles travaillent, selon l’Unicef et la Banque mondiale) ▲
[5] Les mandis sont des marchés publics créés lors de la colonisation visant à constituer des stocks stratégiques pour contrôler le prix d’achat par les consommateurs, notamment le coton acheté par les industriels de Manchester. Après l’indépendance en 1947, le nouveau gouvernement indien en fit un outil d’incitation pour les agriculteurs afin d’encourager à la hausse de la production : certains produits (notamment le riz et le blé) sont achetés à des prix fixés avant d’être vendus aux enchères à des commerçants agrémentés. ▲
[6] Le système de distribution publique a été mis en place suite à la famine meurtrière du Bengale (1942) : il s’agit d’un système de rationnement qui s’est maintenu jusqu’à aujourd’hui. Il consiste en une dotation en nature (35 kg de céréales par mois et par famille au maximum). En dépit de l’ampleur de ce programme alimentaire, il reste largement insuffisant par rapport aux besoins de la population et de la sous-alimentation chronique. Beaucoup de zones rurales sont dépourvues de « ration shops », et ne peuvent pas en bénéficier. ▲
[7] La pauvreté concerne officiellement 300 millions de personnes en Inde, mais selon un calcul très restrictif qui correspond quasiment à la population souffrant de malnutrition. Les paysans sont les premiers touchés par la malnutrition et la sous-nutrition, et la sous-nutrition infantile touchait plus de 40 millions d’enfants en 2018. ▲
[8] Héritier de la grande bourgeoisie gujaratie, Mukesh Ambani est un vieux compagnon de route de Narendra Modi et, depuis le début des années 2000, un de ses principaux mécènes. En échange de quoi il a bénéficié de très nombreuses exonérations fiscales et subventions étatiques. ▲
[9] Le SAD est le parti de la bourgeoisie sikh, au pouvoir au Pendjab. ▲
[10] Le Comité de coordination de toute l’Inde Kisan Sangharsh (AIKSCC) a été formé en 2017 et compte plus de 500 groupes affiliés sur l’ensemble du pays ( https://frontline.thehindu.com/the-… ) ▲
[11] Parfois appelés « Intouchables », il s’agit de la plus basse position dans le système des castes. Le terme Dalit (opprimé) a été popularisé par B. R. Ambedkar, la principale figure intouchable lors du mouvement pour l’indépendance. ▲
[12] Voir par exemple : https://journals.openedition.org/ec…, une description des zones rurales du Gujarat. ▲
[13] Mais la population rurale continue de croître sous l’effet de l’accroissement naturel. L’emploi agricole reste majoritaire dans les campagnes, malgré la progression des industries rurales et des services. ▲
[14] https://www.humanite.fr/en-inde-la-… ▲
[15] Par exemple : https://cpim.org/pressbriefs/left-s… ▲
[16] Cependant cette forme de mobilisation est plus ambiguë en Inde qu’en Europe, car le mouvement ouvrier indien n’est pas le seul à y recourir : des partis d’opposition, y compris de l’extrême droite hindouiste, en organisent aussi. En 2004, les bandes d’extrême droite liées au BJP et au Shiv Sena de Mumbaï ont ainsi paralysé plusieurs jours durant l’activité du principal centre économique du pays. ▲
[17] https://www.wsws.org/fr/articles/20… ▲
[18] Beaucoup de travailleurs précaires avaient alors dû retourner dans leur village d’origine, à pied, pour espérer trouver un moyen de subsistance ( https://www.lemonde.fr/internationa… ) ▲
[19] Les États de l’Uttar Pradesh et du Madhya Pradesh, dirigés par le BJP, ont été les premiers à suspendre le code du travail, avant d’être imités par beaucoup d’autres, faisant dire à un responsable syndical de la CITU : « Nous sommes revenus au 19e siècle. Ils ont rétabli le travail forcé. » ▲
[20] https://www.wsws.org/fr/articles/20… ▲
[21] https://frontline.thehindu.com/cove… ▲
[22] On pourrait aussi évoquer le mouvement naxalite, toujours actif en plusieurs lieux du territoire : ce mouvement apparut en 1967 autour du village de Naxalbari se revendique du maoïsme (il est classé comme organisation terroriste par le gouvernement indien), et dispose d’une sympathie certaine auprès des paysans pauvres. ▲
[23] Le mouvement se maintient aussi avec l’aide de ceux restés au village : https://frontline.thehindu.com/the-… ▲
[24] Voir par exemple : Arundhati Roy, Au-devant des périls – la marche en avant de la nation hindoue, Gallimard, 2020 ▲