Une surenchère anti­-immigrés

Mieux que France-Irlande ce dimanche, on nous avait promis LE match. À la droite extrême : Darmanin, le ministre de l’Intérieur. À l’extrême droite : Marine Le Pen. C’était jeudi 11 février sur France 2. Les téléspectateurs ont semble-t-il préféré d’autres divertissements. Cela dit, le ton est donné des mois à venir, entre démagogie anti-immigrés et calculs politiciens pour 2022.

Concurrence électorale

Pour Darmanin, il fallait préparer la mise en scène d’un futur duel de second tour de l’élection présidentielle de 2022. Macron voudrait apparaître comme le meilleur barrage contre l’extrême droite… tout en reprenant sa politique. Le nouveau ministre de l’Intérieur était chargé de séduire les électeurs de Le Pen en prouvant que Macron est tout aussi anti-immigration. De l’autre côté, la présidente du Rassemblement National se donnait des airs de candidate sérieuse et responsable. Elle cherche à récupérer des électeurs de Macron et de Droite en se montrant plus fréquentable que son père. Mais de choc, il n’y en eut guère.

L’immigré comme bouc émissaire

Darmanin et Le Pen se sont fait des politesses, se complimentant parfois, se critiquant rarement. Car les points communs entre ces deux-là sont nombreux. À commencer par la démagogie raciste contre les musulmans, accusés de tous les maux. Les propositions que Darmanin venait présenter devant les caméras ont été appuyées par Le Pen. Le ministre de l’Intérieur en a même rajouté en qualifiant la représentante d’extrême-droite de « molle » face à l’islam. Un cadeau qu’elle a vite accepté, se payant le luxe d’apparaître posée. Elle sait que ceux qui sont sensibles au racisme préféreront toujours l’original à la copie. D’autant plus que Le Pen ne cesse de réclamer un référendum sur l’immigration, histoire de focaliser les débats sur ce thème et d’éviter les sujets sociaux.

Car le racisme n’est pas leur seul point commun. Il y a l’absence de réponses à la hauteur des problèmes quotidiens de la population. Les travailleurs licenciés un peu partout dans le pays ? Les petits commerçants ruinés ? Les queues devant les centres d’aide alimentaire ? La hausse du chômage avec six millions de chômeurs et dix millions de pauvres ? Les impayés de loyer qui explosent au point que les expulsions de mars ont été décalées en juin ? Il n’en a pas été question. A quand un référendum sur l’interdiction des licenciements ou sur le partage du travail ?

Frontières fermées aux réfugiés, mais ouvertes à l’évasion fiscale

Évidemment, Darmanin n’a pas critiqué les centaines de milliards versés au patronat sans contreparties. Mais Le Pen non plus, qui se présente pourtant comme la protectrice des Français modestes, il est vrai uniquement par temps électoral.

Pourtant, il y aurait de quoi faire. Le journal Le Monde révèle que 29 des 37 groupes du CAC 40 sont domiciliés au Luxembourg, par le biais de filiales sans réelles activités sur le sol de ce paradis fiscal. Si les réfugiés qui fuient la misère et l’oppression se font refouler, les frontières restent grandes ouvertes aux grands capitalistes et aux grosses fortunes. « Entre l’optimisation fiscale légale et la fraude, la frontière est parfois très ténue » écrit Le Monde, tandis qu’un magistrat financier l’avoue : « Il y a beaucoup d’enjeux, y compris politiques, autour du contrôle fiscal des grands groupes. L’administration fiscale est beaucoup plus prudente envers les entreprises qu’à l’égard des particuliers. » Les grands groupes et la grande bourgeoisie ont des États à leur service pour fermer les yeux sur leurs fraudes. Pour les pauvres et les salariés, il n’en est pas de même.

Entre la peste et le choléra

Depuis que Macron a été élu, il n’a fait que servir les très riches, s’en prendre aux droits des travailleurs, expulser les étrangers, réprimer toute contestation à coups de brutalité policière. Un programme que Le Pen ne peut qu’approuver, même du bout des lèvres et en faisant de la surenchère.

Darmanin et le Pen ont fait un numéro de cirque ce soir-là. Très ennuyeux et inquiétant. Ce débat a surtout montré une chose : qu’une autre alternative est nécessaire.

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